Lorsque Man Intelle descendait au bourg pour ses affaires, elle croisait de nombreuses personnes tout le long du chemin : des amis, des voisins plus ou moins connus, vaquant à leurs occupations quotidiennes. Man Intelle leur adressait à chacun un bonjour retentissant : "Messieus-Dames bonjou" lorsqu'il y avait des hommes et des femmes ou "Bonjou Man Bitin" si elle connaissait particulièrement la personne. Parfois, elle s'attardait deux minutes pour prendre plus de nouvelles. Hier, c'était ainsi : souhaiter le bonjour était spontané et de naturel. Il était très mal vu de ne pas dire bonjour. Deux voisines ne se souhaitaient pas le bonjour : c'était le signe qu'elles étaient profondément fâchées l'une contre l'autre. Retirer son bonjour à quelqu'un, c'était lui retirer son estime. Et le fait de ne pas avoir un bonjour en retour lorsqu'on le souhaite à quelqu'un était (et est toujours) vécu comme un affront. Les enfants devaient dire bonjour aux grandes personnes, en signe de respect. Ne pas se plier à cette règle, c'était courir le risque de recevoir un palaviré. Même si les parents étaient en mauvais termes avec une voisine, leurs enfants se devaient de lui dire bonjour car "les affaires des grandes personnes ne concernent pas les enfants". Aujourd'hui, emporté dans le tourbillon de la vie, la plupart des gens n'a plus le temps de s'attarder pour souhaiter le bonjour. Cependant, beaucoup attachent de l'importance au "bonjour", petit mot simple qui traduit l'état des relations entre les personnes.
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