Je me souviens ...

 

Avant la rentrée scolaire
Récit de Marie-Louise - 66 ans
Rivière-Pilote, Martinique
(relaté en août 2002)

Nous préparions la rentrée des classes dès la fin des grandes vacances en commençant par un lavage intérieur de notre corps : une purge.

C'était ma mère qui décidait que tel jour, untel prendrait une purge. En effet, il était impératif de "nettoyer notre sang" après toutes les sortes de fruits que nous avions mangés durant les vacances.

Durant les deux ou trois jours qui précédaient le jour J, elle nous faisait boire des tisanes rafraîchissantes composées de feuilles de pourpier, d'herbes amères (ou vié gouman), d'herbes couresses (koklaya), de chiendent, de feuilles de fromager, de racines de camomille. Ces tisanes remplaçaient l'eau et étaient bues à longueur de journée afin de préparer le corps à recevoir la, ô combien détestable, purge.

Arrivait ensuite le jour fatidique : le jour de la purge. Soit elle achetait un breuvage à la pharmacie, soit ma grand-mère confectionnait un "lok" composé d'huile de ricin (huile de carapate raffinée) mélangée au jus d'herbes pilées. Ce dernier avait un goût épouvantable : je l'avalais en fermant les yeux et en me bouchant les narines.

Ce jour-là, je n'avais pas droit au gros plat de légumes. Je devais me contenter d'un bouillon de légumes ou d'une soupe maigre que je buvais à petites gorgées plusieurs fois dans la journée. Je me sentais faible, "flôcô" (le ventre vide). C'était une journée de repos où je ne faisais aucune corvée. Ma mère nous administrait la purge à tour de rôle car la maison devait continuer à tourner. C'était chacun son tour : moi aujourd'hui, demain ma soeur, après-demain une autre soeur et ainsi de suite.

La veille de la rentrée, ma mère nous donnait un grand bain soit à la rivière ou dans une grande terrine. Elle me frottait énergiquement le corps, me lavait soigneusement les cheveux. Un décrassage total !

Nous étions propre à l'intérieur comme à l'extérieur, parés pour la nouvelle année scolaire.

* * *

J'aimais la rentrée car j'avais souvent de beaux vêtements tout neufs comme la plupart des enfants. J'avais un nouveau sac en toile (à deux anses), un plumier que mon frère aîné, ébéniste", me fabriquait, des cahiers neufs...

Parmi tous mes frères et soeurs, j'ai été la première à avoir un vrai cartable à deux poches. C'était un cartable à deux battants s'attachant par le bas à l'aide d'une boucle. Ce sac, je me souviens, était peu pratique car il avait tendance à renverser mes affaires lorsque je l'ouvrais.

* * *

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