La Veillée Mortuaire Préparation du mort Au temps d'avant, la mort d'une personne était considérée comme une grande perte pour les parents mais aussi pour tous les habitants du quartier, voire même de la commune. La mort : un désastre qui provoquait cris et lamentations. Chacun se sentait concerné par cette disparition, même les enfants à qui on ne préservait pas la vue d'un défunt : ils vivaient et partageaient la douleur des adultes. La mort d'une personne était annoncée par le son de la conque de lambi. La nouvelle d'un décès circulait rapidement et aussitôt les parents, amis, voisins et voisines se regroupaient autour de la maison du mort, apportant café, sucre, bougies, pétrole, tissus, draps... Tout le monde prêtait main forte et aidait le parent du défunt, le maître du mort, à nettoyer sa maison dans les moindres recoins, à faire à manger pour toutes les personnes qui viendraient pour la longue veillée mortuaire. Les hommes construisaient rapidement des bancs à l'aide de planches. On construisait des galeries autour de la maison avec des feuillages tressés (cocotier, kachibou ...) pour accueillir (et abriter en cas de pluie) les nombreuses personnes. Pour l'éclairage, on préparait des lampes, des flambeaux à mèches de pétrole (chal'touné). Le mort était soigneusement préparé pour sa dernière demeure. Etendu sur des draps propres, il était entièrement déshabillé (en préservant toutefois son intimité) et lavé respectueusement avec eau et feuillage. L'eau de la toilette et les feuillages étaient conservés sous le lit du défunt. C'est seulement après le départ du corps que les feuillages étaient enterrés et l'eau du bain déversée dans un coin précis du jardin. Pour sa dernière demeure, le mort était habillé avec de beaux vêtements, souvent neufs. Certaines personnes prévoyantes avaient déjà leurs vêtements pour leur enterrement (pou jou lan mô mwen).S'il n'avait rien prévu pour le jour de ses obsèques, la couturière du quartier confectionnait, en toute hâte, un habit pour le défunt. Il ne devait emporter que des choses lui ayant appartenu. On disait : si on place dans le cercueil un objet appartenant à une autre personne, celle-ci se dessècherait au fur et à mesure de la décomposition du cadavre. C'était son billet assuré pour l'au-delà. A la nuit tombée, la veillée commençait : parents, amis et voisins se retrouvaient pour une grande fête dans la maison du mort. Celle-ci était facile à reconnaître grâce aux nombreuses bougies allumées tout le long du chemin et autour de la maison. Les femmes et les enfants restaient autour du mort exposé avec la famille pour prier. L'illettrisme des grandes personnes faisait que la lecture des prières était souvent faite par des jeunes enfants (des filles principalement car les garçons préféraient rester dehors avec les hommes). Après la lecture, les grandes personnes récitaient le chapelet. Dehors, c'était la fête. Une fête particulière, animée par les conteurs et les tambouilleurs. Les conteurs étaient là pour parler du défunt. Ils racontaient sa vie, par anecdotes plus ou moins rigolotes, évoquaient ses qualités et ses défauts. Ils le faisaient revivre en la mémoire de ceux qui l'avaient connu. Au-delà de la vie du défunt, les conteurs, jongleurs de paroles, envoûtaient l'assistance avec des contes, des histoires comme celles de "Kompè Lapin" ou "Kompè Zamba", des "tim-tim". Ils amusaient beaucoup l'assistance. - Et cric ! lançait
le conteur. - Est-ce que la cour
dort ? interrogeait de temps à autre le maître de
paroles. Il y avait souvent, dans les veillées mortuaires, plusieurs conteurs, parfois venus de loin, et chacun demandait la parole en ces mots : "Je demande la main". Un peu comme les griots, les conteurs contribuaient à faire perdurer dans la mémoire collective les contes et légendes des Antilles et faire oublier les moments de tristesse de la vie. Les veillées funèbres se poursuivaient tard dans la nuit avec des pleurs et des rires, le son des tambours, bon boire et bon manger. Le lendemain avait lieu l'enterrement. Quelqu'un parcourait le quartier pour informer les gens de la mort d'une personne et donner l'heure de l'enterrement. On disait communément : "i ka kouri biyé lenterman misié ou madanm' Untel". Ceux qui possédaient un petit parterre de fleurs devant leur maison apportaient un petit bouquet afin de composer deux ou trois gerbes. Le cortège était ouvert par des hommes à cheval (amis, gens du quartier). Il n'y avait pas de corbillard : quatre ou six porteurs (relayés en cours de route) transportaient le cercueil. La cérémonie religieuse comportait trois niveaux :
Si le défunt vivait maritalement, il n'avait droit qu'à un enterrement de troisième classe. Après l'enterrement, on raccompagnait les parents du mort. Et, durant les jours suivants, ils recevaient la visite de proches, d'amis qui proposaient leurs services en ce moment de douleur. Il se formait une véritable chaîne de solidarité autour de la famille endeuillée. A l'heure de la mort, nos anciens observaient beaucoup de règles, en voici quelques-unes énoncées (aujourd'hui, certaines de ces règles subsistent encore plus ou moins) :
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