LEVER DE SOLEIL

Nous nous sommes levés ce jour-là de très bonne heure, avant même que ne cessent les sérénades des grenouilles et des criquets, chanteurs généreux qui offraient, toutes les nuits, des concerts sans fin.

Nous avons marché jusqu’à la plage dans une demi pénombre, dérangeant de nos pas les hôtes de la nuit, surpris sans soute par la présence d’êtres humains à cette heure matinale. La mer, vaste étendue sombre, reflétant le ciel étoilé, m’a fait frissonner. Autant elle est agréable à regarder sous le soleil éclatant, autant elle est inquiétante ainsi éclairée par les pâles rayons de la lune. Des histoires à faire peur m’ont traversé l’esprit. On aurait dit tout à coup que la nuit était devenue épaisse, qu’elle voulait nous envelopper dans son manteau noir et nous faire sombrer dans cet océan lugubre, vers des abysses maléfiques où des zombies et des bêtes à cornes dansent une ronde infernale.

Je me suis installée, craintivement, sur un tronc d’arbre coupé. Les autres en ont fait autant à quelques distances de moi. Les aiguilles fluorescentes de ma montre m’ont indiqué 4 heures 35 : le soleil ne se fera pas trop attendre. La tête posée sur les genoux, j’ai entendu le bruit lent des vagues qui venaient lécher le rivage et je l’ai comparé à un cœur au repos, à un être endormi respirant lentement, profondément. De temps à autre, une vague plus forte que les autres venait se jeter un peu brutalement sur le sable, avec un bruit sourd. J’ai songé alors à un dormeur qui pousse un soupir et se retourne dans son lit. La mer m’a chanté une douce berceuse et je me suis laissée couler, libérée de mes frayeurs.

La brise marine m’a fouetté le visage et m’a empêché de sombrer dans une torpeur profonde. J’ai senti le sel de la mer s’y déposer lentement en d’infimes particules. Mes vêtements se sont imprégnés de l’odeur des algues rejetées sur le sable et de l’odeur du sel. Mes mains sont devenues moites et rêches, légèrement poisseuses, comme si je les avais rincées dans les eaux noires de l’océan pour les envelopper de ce sel invisible.

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